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D'oû provient la Loi Orale ?

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Mercredi 15 novembre 2017 à 14h44

A l'attention du Rav Olivier Chlita Cher Olivier,

 

Je reprends l'une de vos dernières affirmations sur "Enfin, la loi orale est dotée d'un tel arsenal de protections dans sa transmission et son élaboration perpétuelle, qu'il est impensable que des changements se soient introduits sans qu'ils aient été « actés ».

 

Lorsque je lis de façon basique les versets du livre de Josué chap 8 versets 33 à 35 : " Tout Israël, ses anciens, ses officiers et ses juges, se tenaient des deux cotés de l'arche, devant les sacrificateurs, les lévites, qui portaient l'arche de l'alliance de l'Eternel; ...... Josué lut ensuite toutes les paroles de la loi, les bénédictions et les malédictions, suivant ce qui est écrit dans le livre de la loi.

 

Il n'y eut rien de tout ce que Moïse avait prescrit, que Josué ne lût en présence de toute l'assemblée d'Israël, des femmes, des enfants, et des étrangers qui marchaient au milieu d'eux".

 

Ces versets sont très intéressant car ils posent très clairement que Josué lût toutes les paroles de la loi....... Il n'y eut rien de tout ce que Moïse avait prescrit, que Josué ne lût.....".

 

Et il n'y avait rien d'autre à ajouter que Moïse n'avait lui-même prescrit. Puisque Moïse a tout prescrit par écrit ce que l'Eternel lui a dit dit, comment et par quelle autorité a-t-il fallut ajouter une loi orale dont l'existence est très clairement contredite par ce texte ?

 

Et donc puisque cette loi orale n'existe par définition pas, sauf à contredire ce texte du livre de Josué, quelle est la valeur de la loi orale inventée depuis deux mille ans ?

 

En d'autres termes, les témoins visuels de Moïse ont attesté qu'il n'y a rien d'autre que le texte de la loi écrite. Par quel tour de passe-passe pouvons nous mettre en défaut tout le peuple témoin de Moïse et Josué ?

 

Avec le plaisir de vous lire, Shalom

Mardi 28 novembre 2017 à 22h36

Chalom !

 

Je vous envoie la réponse du Rav Olivier à votre attention, et le remercie vivement du temps qu'il consacre pour répondre aux diféfrentes questions qui lui sont posées. Il el fait entièrement Léchém Chamaïm et avec l'espoir de pouvoir vous convaincre de choses sur lesquelles vous doutez pendant tant d'années.
 

Je reviens vers vous, après un laps de temps dû à un emploi du temps chargé ces derniers jours.

 

Si nous lisons attentivement le texte dont sont issus les versets que vous citez, depuis le verset 30, qui est le début de la paracha ; on y lit que Yéochoua a construit un autel en le Mont Eval, comme Moché l’avait prescrit aux Bné Israel :  « comme cela est écrit dans le livre de la loi de Moché… ». Le « livre de la loi de Moché » fait apparemment référence aux  recommandations concernant les pierres à utiliser, donc à des versets de l’Exode à la fin du Séder de Ytro. (Comme le fait justement remarquer le Malbim ad hoc.)

 

Continuons : on apprend au verset 32 que Yéochoua inscrit sur les pierres « la répétition de la loi de Moché », ou « Michné torah ». De quoi s’agit-il ? Il peut s’agir du Deutéronome puisqu’il est une sorte de « répétition » des livres précédents. Il peut aussi d’agir d’écrire l’ensemble de la Torah, mais ce serait un peu long. Ou alors, une liste des Mitsvots principales, un peu comme certaines communautés en lisent à Chavouot.

 

Ensuite : le peuple dans son ensemble, selon une disposition bien précise, est prêt à écouter les bénédictions et les malédictions, le tout structurant une alliance, prévue depuis Moise (dans le Séder Ki Tavo, deutéronome 27 ) et qui n’attendait que sa réalisation.

 

Puis : lorsque le verset 34 fait mention d’une lecture des paroles de la Torah, la bénédiction et la malédiction, il s’agit, selon une lecture basique – comme vous dites- des passages contenues dans le Seder Ki Tavo et présentant bénédictions et malédictions. Autrement dit, dans ce verset, le mot « Torah » se rapporte aux bénédictions et malédictions. C’est évident selon le contexte général (application de l’injonction de Moise) et, rajouterais – je au passage, selon les signes de cantillation : celui accolé au mot « Torah » étant un signe dit « mécharet » c’est-à-dire indiquant que le mot est à relier aux suivants.

Continuons : le verset 35 relate que « rien de ce que Moché » a prescrit n’a été omis par Yéhochoua.  Là aussi, une lecture basique indique qu’il s’agit des passages de Ki Tavo et aucunement de l’ensemble de la Torah, qu’elle soit écrite ou orale.

 

Bref, les versets que vous avez citez ne parlent pas d’une lecture publique de toute la Torah, mais d’une partie seulement, celle choisie pour contracter l’alliance. Ceci dit, il n’est pas exclu qu’il y ait eu aussi une lecture de certaines Mitsvots, comme nous l’avons dit à propos des pierres érigées.

 

Radak va dans ce sens. Mais il est difficile de dire que toute la Loi a été relue.

 

(En revanche, concernant les pierres, peut être que votre question devient pertinente. Car il apparait que l’injonction était d’y écrire l’ensemble de la Torah. On répondra alors qu’il s’agit de la Torah écrite. Mais alors quid de la Torah orale ? Il faut alors peut être admettre qu’il ne s’agissait de laisser des traces sur des pierres uniquement de la Torah écrite. Cela n’a rien d’anormal. Surtout si l’on admet, comme les Sages, qu’il s’agissait de traduire la Torah « en 70 langues ». Alors les pierres seraient à l’intention des nations, or ceux-ci peuvent n’être intéressés que par la Torah écrite, l’orale ne leur étant pas destinée.)

 

Pour résumer, ce texte de Yéochoua ne constitue pas une objection à l’existence d’une loi orale. En fait, si je puis me permettre, c’est exactement le contraire : l’emploi du mot « Torah » pour désigner une portion seulement du Pentateuque, montre la malléabilité de ce terme. On apprend grâce à ce texte, qu’il ne faut pas toujours prendre le mot « Torah » dans son appellation « classique ».    

 

Ceci dit, je pense que votre question concernant la loi orale ne se résume pas à ce texte, mais correspond à une interrogation plus globale sur la nécessité d’être de cette loi, qui plus est lorsque vous n’en trouvez pas trace écrite, comme vous l’écrivez vous-même.

 

Vous parlez d’une loi « ajoutée ». La Torah orale, nous ne la tenons pas pour « ajoutée », nous la tenons pour « transmise ».

 

Il n’y a aucune raison sérieuse de remettre en question cet état de fait. Quand et pourquoi voulez-vous donc qu’un système de lois se soit greffé de toute pièce à un moment ou à un autre de l’histoire, alors qu’il est transmis de père en fils et de maitre à élève depuis toujours ? Je dirais même plus : qui nous dit que le texte écrit a précédé la loi orale ? Et si c’était l’inverse ?

Toutefois, si vous qualifiez d’ « ajouts » les lois, règles, mesures, décrets, explications, formulations nouvelles d’enseignements moraux, etc. élaborés par les Sages au courant des générations,  alors je peux approuver ce terme.    

Il faut d’abord s’entendre sur le terme de «  loi orale » ?

 

Formellement, il serait bon de lire l’Introduction de Maimonide à la Michna (cela doit être traduit en français). Celui-ci fait bien entendu mention de lois reçues telles quelles au Sinay, mais aussi de lois dont l’élaboration s’est faite plus tardivement, essentiellement celles qui font l’objet de controverses quant à certains critères de leur application. (Même dans ce dernier cas, il ne s’agit pas  d’inventer quoi que ce soit de nouveau.

 

Il s’agit de prolonger ou de « réinventer » la loi selon les clés et les méthodes prévues ou transmises au Sinay. )

 

Mais de manière plus conceptuelle, on peut lire dans Bérakhot 5 , au nom de Rech Lakich, que le mot « Torah » figurant dans l’Exode 24 / 12 signifie le texte du Pentateuque,   alors que le mot « Mitsva » se rapporte à la Michna, donc à la loi orale. Et le Talmud de conclure, s’appuyant sur le même verset, que les deux (ainsi que les autres éléments  mentionnés par le verset et interprétés par Rech Lakich) ont été donnés aux Sinay. On apprend donc de ce texte lumineux, que la loi orale est dénommée la « Mitsva ». 

 

Ceci est très révélateur : l’enseignement oral constitue en fait le fondement  essentiel des « ordonnances », ou Mitsvots. Aussi, le texte du Pentateuque devient-il  secondaire, comparé à la loi orale, alors que paradoxalement il contient celle-ci en lui-même. On pourrait comparer cela à une graine (le texte écrit) à partir de laquelle va se développer un arbre immense (la loi orale). Même si la graine constitue la base de toute la pousse, c’est bien l’arbre qui va nourrir.

       

Je suis obligé de vous rependre lorsque vous affirmez que la loi orale « n’existe par définition pas ». Pourtant, son existence est bien la preuve … qu’elle existe ! S’il y a transmission orale (même si cette transmission a dû prendre une certaine forme écrite pour résister aux vicissitudes de notre histoire) comment la nier ?!

 

De plus, si nous définissons l’enseignement orale comme étant l’explication/le mode d’application de l’Ecriture, il est manifeste que le Pentateuque a, par définition, été accompagné d’un complément oral. En effet, comment peut-on appliquer ou cerner les détails de la plupart des Mitsvots qui y sont prescrites ?

 

Le Pentateuque est pauvre en détails, et ne semble pas se vouloir autosuffisant, la plupart des lois ne demandant qu’à être interprétées. Quel est le « fruit de l’arbre, splendide » que la Torah enjoint de saisir à Soukot ?  Le texte ne nous en dit mot. Comment se déroule l’abattage dit « rituel », alors que le texte biblique fait mention d’une prescription, qu’on ne retrouve pourtant pas dans tout le Pentateuque ? Là aussi, aucun détail. Les exemples sont nombreux et indiquent clairement la présence d’un enseignement voué à l’application des lois enseignées. Je ne parle même pas des règles de lecture, de la vocalisation du texte, de sa ponctuation, qui relèvent tous de l’oralité.

 

Pour conclure, je ne crois pas me tromper en affirmant que même si dans sa forme actuelle la loi orale parait pour certains être l’œuvre des Sages (je ne parle que des gens de bonne foi, pas de ceux qui rejettent l’autorité orale par pure ambition professionnel, comme c’était le cas des Saducéens, et dont certains sont aujourd’hui les élèves, à leur propre insu !)  , c’est uniquement parce que, faute d’avoir étudié suffisamment le Talmud en profondeur, ils n’arrivent pas à identifier les liens puissants qui lient le développement de cette loi orale avec ses origines bibliques.

 

Comme d’habitude, je reste ouvert aux objections.

Amicalement.

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Mercredi 29 novembre 2017 à 10h45

A l'attention du Rav Olivier Chlita Chalom, Un très grand merci de prendre le temps de répondre à mes interrogations et questions. Mon étonnement est grand de prendre comme une donnée première que la loi orale existe. Rien dans la Thora ne mentionne une telle existence. Bien sûr que nous nous transmettons tous, de parents à enfants, des principes de vie : mais ceux ci sont-ils pour autant des lois ? D.ieu indique bien que rien ne peut être ajouter à la lettre de la Loi, comprise dans son ensemble qu'est la Thora. La Thora, c'est la Thora écrite, comme indiquée dans ces versets du livre de Josué. Je le répète, qui sommes nous pour ajouter des détails, des principes, des décrets, des interprétations à la parole inspirée et donnée par D.ieu à Moïse ? Et qui sommes nous pour nous considérer plus grand que Moïse au point d'ajouter des lois, des principes, des décrets, des interprétations qui n'existent pas dans le texte écrit du Pentateuque, qui est le seul transmis par Moïse lui-même ? Nous savons très bien que lorsque 20 personnes sont réunies dans une même pièce et qu'un message est lancé par la première, il arrive totalement déformé à la vingtième. Alors pourquoi en serait-il différemment pour une loi orale qui aurait traversé près de 1200-1300 ans avant d'être mise par écrit ? Pourquoi croire, penser et accepter que des personnes qui sont appelés "sages" ou qui s'appellent "sages" ne seraient pas aussi faillibles que le commun des mortels que chacun de nous est ? Dans le verset 34, il est mention de la Thora, dont rien ne permet de dire que la lecture a été limitée à quelques bénédictions et malédictions. Lorsque vous écrivez "le verset 35 relate que « rien de ce que Moché » a prescrit n?a été omis par Yéhochoua. Là aussi, une lecture basique indique qu?il s?agit des passages de Ki Tavo et aucunement de l?ensemble de la Torah, qu?elle soit écrite ou orale.", rien n'indique que ce texte de Josué ne s'applique pas à l'ensemble de la Thora écrite. Quand bien même on pourrait le supposer, cela ne serait qu'une supposition et non une certitude. Car il est bien dit "rien de ce que Moché a prescrit n'a été omis par Yéhochoua". Pourquoi ici chercher des explications complémentaires postérieures, que rien ne laisse entrevoir dans le texte de base du Pentateuque, avec tout le respect que nous devons à Maïmonide ? Et comment est-il possible de chercher des justifications dans le Talmud et dans la loi orale, pour justifier une éventuelle existence de la loi orale, qui n'a pas été donnée et transmise par D.ieu à Moché ? Car puisque nous sommes d'accord sur le fait que rien d'oral n'a été transmis par D.ieu à Moché qui n'ait été mis par écrit par Moché, comment une éventuelle transmission de "traditions" peut-elle faire aujourd'hui encore force de loi, au point d'ajouter tant de principes, décrets, lois, obligations que D.ieu n'a pas donné ? L'E.ternel a déjà transmis suffisamment de lois délicates et complexes à assurer chaque jour, pour être longuement repris dans la qualité de notre relation avec Lui. D.ieu connait notre faiblesse et nos limites. Pourquoi et selon quel principe divin des hommes ont-ils pris la liberté d'imposer aux autres des lois nouvelles avec tous leurs détails ? Vous évoquez la nécessité ou le besoin d'interpréter les lois de la Thora. Mais où lisez vous que D.ieu a demandé cela ? Vous me reprenez lorsque j'ai écrit "Je suis obligé de vous rependre lorsque vous affirmez que la loi orale « n?existe par définition pas ». Effectivement, cette loi orale n'existe pas en tant que loi, puisque vous le dites vous-même ce ne serait que des explications.....Mais ces explications, dans un sens pour les uns, dans l'autre sens pour les autres, n'ont jamais été requises par D.ieu et par Moïse, car il est écrit qu'il ne faut "pas ajouter un iota au texte de la Loi". Finalement, le Talmud et les lois orales qui en découlent se justifient par-eux mêmes et pour eux-mêmes. Mais rien n'est justifié en tant que base de lois complémentaires à la Thora. Et ce qui est alors inquiétant, c'est que la loi orale a pris une part plus importante que la Loi écrite dans la communauté. Que vous refusiez cette affirmation, soit, mais c'est bien la situation existante.Et cela amène à s'intéresser à des détails obligatoires extrêmement futiles et inutiles (exemple volontairement très simple, mais réel : se poser la question de la nécessaire longueur du tissus d'une chemise) qui détournent de l'essentiel : avoir les yeux et le c?ur tournés vers le Très Haut pour l'honorer. A bientot Amicales salutations

Mardi 05 décembre 2017 à 22h33

Avant de vous répondre, je dois préciser que vos questions amènent à des réflexions et à des études beaucoup plus vastes que ce qu’un échange de ce type permet. Il serait bon en particulier de définir plus précisément ce qu’est la loi orale et quel est son enjeu de manière plus « profonde ». Ce que je ne fais pas ici. Ici, je me contenterais, volontairement, de ne pas faire la distinction nécessaire entre les différentes parties de la Torah orale, et je mêlerais sous une même enseigne ces différentes parties d’un tout.

 

Pour plus de détails et de précisions, je recommande par exemple le livre « Histoire du Judaïsme » (Eric Smilevitch) aux éditions « que sais-je », qui, dans ses premiers chapitres, résume les principales articulations du judaïsme écrit et oral.

 

Un très grand merci de prendre le temps de répondre à mes interrogations et questions.

 

Le plaisir est pour moi.

 

Mon étonnement est grand de prendre comme une donnée première que la loi orale existe.

 

Je comprends votre étonnement. Beaucoup pensent, tout haut ou en silence, comme vous. Mais ils se basent sur des idées préconçues. En réalité, rien d’étonnant du tout. L’idée d’une loi/d’un enseignement orale n’a rien d’original. C’est un phénomène universel, renseignez-vous ! La plupart des textes constituants les sources de droit ont une histoire « orale ».  Philon d’Alexandrie atteste que les sociétés anciennes transmettaient leur loi en la gravant « dans l’âme de ceux qui ont une part dans cette loi ». Donc, rien d’étonnant.

 

Rien dans la Thora ne mentionne une telle existence.

 

Je suis désolé mais vous faites erreur. Au contraire : c’est l’existence d’une Torah écrite qui est moins évidente. Tout d’abord, jusqu’au Mont Sinai, il est clair que les personnages bibliques porteurs du message abrahamique détenaient et respectaient des lois et des coutumes transmises.

 

Une simple lecture du livre de Béréchit le montre (par exemple, 18/ 19). C’est donc bien que l’oralité a précédé l’écriture. Mais plus : contrairement à une idée répandue, l’idée que Moise a reçu une loi écrite n’est quasiment pas mentionnée dans la Bible. Là aussi, lisez ou relisez la Bible, plus précisément les passages du « don de la Torah » : rien d’écrit ! Que de l’oral ! Moise séjourne « en haut » pendant 40 jours et apprend la Torah, mais pas de rouleau.

 

Voir en particulier Exode chap. 20. Ensuite, Moise entend une série d’injonctions, voir Exode 34, 34. Ce n’est qu’à l’approche de sa « disparition » que Moché écrit un Séfer. Mais il n’est pas dit du tout que ce soit tout ce qu’il a entendu et transmis !!

 

Bien sûr que nous nous transmettons tous, de parents à enfants, des principes de vie : mais ceux-ci sont-ils pour autant des lois ?

 

Même en présence d’une loi orale, il y a un interdit d’ajouter ou d’ôter à la torah quoi que ce soit. D’où la question : comment les sages se sont permis d’ajouter certaines lois. J’y reviendrai.

 

La Thora, c'est la Thora écrite, comme indiquée dans ces versets du livre de Josué

 

Non. J’y reviendrai.

 

Je le répète, qui sommes-nous pour ajouter des détails, des principes, des décrets, des interprétations à la parole inspirée et donnée par D.ieu à Moïse ?

 

Je ne sais pas qui vous désignez par « nous ». Tout le monde n’est pas « homologué » ! En revanche, lisez bien les versets du Deutéronome 17, 8 et vous verrez que le Sanhedrin de Jérusalem est l’instance suprême de décision. De manière générale, se sont « les Sages ».
Mais en réalité, si vous lisez attentivement la Bible et les Prophètes, vous verrez que l’extension/explication est une pratique qui date…de la Bible ! Yéhochoua dans le chap. 5 verset 11, ne fait qu’expliquer un passage du Lévitique (23, 14) ! Osée (12,5) explique de manière très « midrashique » le Béréchit 32,26 ! De manière plus générale, les Prophètes considèrent leur parole comme étant celle de la Torah (voir : Daniel chap. 9, Ezra chap. 9 , Zacharie chap. 7 verset 12)

 

Et qui sommes-nous pour nous considérer plus grand que Moïse au point d'ajouter des lois, des principes, des décrets, des interprétations qui n'existent pas dans le texte écrit du Pentateuque, qui est le seul transmis par Moïse lui-même

 

Comme démontré plus haut, le Pentateuque n’est pas toute la Torah, ça en est même la partie minoritaire.

 

Nous savons très bien que lorsque 20 personnes sont réunies dans une même pièce et qu'un message est lancé par la première, il arrive totalement déformé à la vingtième. Alors pourquoi en serait-il différemment pour une loi orale qui aurait traversé près de 1200-1300 ans avant d'être mise par écrit

 

Bonne question. Sauf qu’en vous intéressant de près au « système de transmission » propre au peuple juif, vous constaterez qu’il y a bien des différences avec l’image du message lancé dans la pièce :

 

1- Le message est accompagné d’une gestuelle, que nous appellerons les Mitsvots et qui, de manière répétitive et détaillée, donne au message un renfort « pratique » indéniable.
 

2- Le message est accompagné de « têtes de chapitres » transmises par écrit. (La mise par écrit de la loi orale a bien sûr été précédée de mises par écrit non-officielles sous forme de « notes » prises par les élèves)
 

3- Le message est étudié, répété, rerépété, depuis l’enfance jusqu’à la vieillesse. L’étude occupe une place immense dans le judaïsme.
 

4- la déformation du message est sévèrement punie. Le judaïsme traditionnel éprouve un fort rejet envers toutes les tentatives de réforme, qu’il combat depuis toujours !
 

5- je pourrai m’étendre encore, mais ce sera suffisant pour cette fois. Disons que de manière plus générale, il suffit d’étudier la Torah (orale) pour se convaincre de la difficulté quasi-insurmontable à introduire des « nouveautés » non-actées.
 

Quoi qu’il en soit, les Sages font eux même mentions de lois « oubliées » ou dont les détails  d’application sont objet de controverses. L’exil a fait son œuvre. Mais même dans ce cas, cela ne remet pas en cause quoi que soit ! Il s’agit juste de montrer quelle est la voie à suivre en cas d’oubli. Ou d’essayer de restituer un savoir oublié par des méthodes d’investigation appropriées. La Torah ne donne pas moins d’importance aux dires des Sages qu’à ceux de la Bible. Si ce n’est plus !

 

Pourquoi croire, penser et accepter que des personnes qui sont appelés "sages" ou qui s'appellent "sages" ne seraient pas aussi faillibles que le commun des mortels que chacun de nous est?

 

Vous pouvez le pensez, aucun problème. La question est juste : ces personnes « aussi faillibles que le commun des mortels », sont-elles autorisées à participer activement à l’élaboration d’une Torah vivante  pour chaque génération, ou non ? Ce n’est pas une question de goût ou de sentiment, c’est une question sérieuse : la réponse est, pour toute personne honnête : oui. Les sectes karaïtes sont apparues tardivement et ont disparues, ont été rejetées. Pareil pour le judaïsme alexandrin, qui pourtant n’a pas rejeté quoi que ce soit d’orale mais s’est contenté d’ignorer la partie orale. Disparu. Le judaïsme traditionnel reconnait en ses Sages l’autorité orale. Vous avez raison de remarquer que c’est fortement délicat, il faut étudier le sujet en profondeur. Les livres ne manquent pas.

 

De toutes les manières, il faut faire preuve de cohérence : si vous accordez une inspiration divine au texte biblique, c’est déjà que vous croyez que des mortels puissent parler au nom de D. Vous croyez en la prophétie. Car ce n’est que par elle que le texte peut se proclamer divin. Dès lors, la question n’est plus comment des mortels peuvent apporter leur contribution, mais, comment les Sages peuvent prendre la place des prophètes. C’est cela la vraie question. Elle part du principe qu’un prophète serait supérieur à un Sage, ce qui n’est pas du tout évident, même si cela soit être expliqué !

 

Dans le verset 34, il est mention de la Thora, dont rien ne permet de dire que la lecture a été limitée à quelques bénédictions et malédictions.

Lorsque vous écrivez "le verset 35 relate que « rien de ce que Moché » a prescrit n?a été omis par Yéhochoua.  Là aussi, une lecture basique indique qu’il s’agit des passages de Ki Tavo et aucunement de l’ensemble de la Torah, qu’elle soit écrite ou orale.", rien n'indique que ce texte de Josué ne s'applique pas à l'ensemble de la Thora écrite. Quand bien même on pourrait le supposer, cela ne serait qu'une supposition et non une certitude. Car il est bien dit "rien de ce que Moché a prescrit n'a été omis par Yéhochoua".
Pourquoi ici chercher des explications complémentaires postérieures, que rien ne laisse entrevoir dans le texte de base du Pentateuque, avec tout le respect que nous devons à Maïmonide

 

Vous niez l’évidence. Pensez-vous sérieusement que le ou les versets de Yéhochoua que vous citez puissent être lus en dehors du contexte général du passage ?!

 

Je ne vous parle même pas  d’une lecture assistée de commentaires, je vous parle de la lecture la plus basique qui soit : Yéhochoua est en pleine réalisation d’une injonction de Moise donnée peu avant la disparition de celui-ci, recommandant d’organiser une cérémonie de bénédictions  et de malédictions  selon un protocole bien précis. Tout est respecté à la lettre, selon ce qu’avait prescrit Moché, sans omettre quoi que ce soit. Voilà ce que dit ce passage.

 

Si c’est le mot « Torah » qui vous a inspiré cette lecture, je comprends. Sauf que rendre le mot « Torah » par Pentateuque est une erreur totale.

 

Et comment est-il possible de chercher des justifications dans le Talmud et dans la loi orale, pour justifier une éventuelle existence de la loi orale, qui n'a pas été donnée et transmise par D.ieu à Moché ?

Car puisque nous sommes d'accord sur le fait que rien d'oral n'a été transmis par D.ieu à Moché qui n'ait été mis par écrit par Moché, comment une éventuelle transmission de "traditions" peut-elle faire aujourd'hui encore force de loi, au point d'ajouter tant de principes, décrets, lois, obligations que D.ieu n'a pas donné

 

Non, nous ne sommes pas du tout d’accord sur le fait que rien d’oral n’a été transmis : comme je vous l’ai dit, l’a priori du texte biblique est que seule une loi orale a été transmise ! Même si, finalement, il est fait état de l’écriture d’un livre.


D’ailleurs, qui sera d’accord avec vous ? L’évidence de l’existence d’une loi orale a précédé de longtemps l’apparition de sectes opposées aux Pharisiens. Et encore, dans la plupart des cas ils ne niaient pas la loi orale dans son principe, ils rejetaient la légitimité des Sages de l’époque. Personne de sérieux n’a jamais nié la loi orale, alors je ne sais pas comment vous arrivez à le faire, de surcroit sans preuve historique !

  
En réalité, une étude sérieuse de la Bible, persuade du contraire : voyez Nombres 15, l’histoire de celui qui coupât du bois le Chabbat. Il est dit qu’il n’avait pas était expliqué ce qu’on devait lui faire, c’est-à-dire de quelle manière devait on le mettre à mort, et ce fut annoncé sur le moment. Voilà un exemple de loi dont il est dit explicitement dans la Bible que son détail n’a pas été exposé !


D’ailleurs, croyez-vous que les cas de mise à mort dans la bible soient suffisamment détaillées pour être appliqués ? Une législation sérieuse se suffit-elle de ces généralités sans se soucier des problèmes inhérents que cette absence de détail peut susciter !
 

La Torah enjoint de poser sur soi des Téfilins mais ne nous dit pas du tout à quoi cela ressemble, est-ce vraiment sérieux ? !
(A propos de Téfilin, on en a retrouvés dans des fouilles datant de très longtemps : ils ne sont pas différents des nôtres. Pareil pour les bains rituels. On en a retrouvé de très anciens. Pareil pour les lieux de prières. Pareil pour les guets (contrat de divorce), ceux trouvées dans le désert de Yéhouda correspondent parfaitement à ceux prescrits par la Halakha rabbinique.)    

 

Lisez les passages de Ruth relatifs au « rachat » du champ (chap. 4 ). Vous verrez que des détails apparaissent (comme la présence de 10 personnes) qui ne sont pas mentionnés dans les lois de transactions du pentateuque. Sont-ils apparus par magie ?
 

Ce ne sont que de maigres exemples comparés aux nombreux que l’on pourrait rapporter.

 

L'E.ternel a déjà transmis suffisamment de lois délicates et complexes à assurer chaque jour, pour être longuement repris dans la qualité de notre relation avec Lui. D.ieu connait notre faiblesse et nos limites. Pourquoi et selon quel principe divin des hommes ont-ils pris la liberté d'imposer aux autres des lois nouvelles avec tous leurs détails ?

 

Parce que cette liberté, ou plutôt cette responsabilité ou ce devoir, fait partie de la tradition dont ils se réclament. Vous pouvez le niez. Mais si des hommes et des femmes depuis des millénaires se disent dépositaires d’une tradition qui s’articule autour de la prophétie mais aussi autour de la subjectivité humaine, et se sont sacrifiés pour la transmettre, l’ont emporté avec eux jusque dans les camps de concentration,  passent 18 heures par jour pour l’étudier, la conserver, la transmettre (comme le fait le Rav responsable de ce site !), c’est peut être que cette tradition est bien ancrée dans le peuple juif !     

Les lois d’ordre rabbinique sont là pour protéger, garder, la Torah.
Lorsque le prophète Isaïe étend le repos chabatique à la « parole », n’agit-il pas de la sorte ? Pourtant, nous sommes à l’époque prophétique. (voir Maharal, Beer Hagola, 1er puits)

 

Vous évoquez la nécessité ou le besoin d'interpréter les lois de la Thora. Mais où lisez vous que D.ieu a demandé cela

 

Si vous lisez la Bible et que vous pensez qu’elle n’a pas besoin d’être interprétée, vous n’êtes pas difficile. Je ne connais pas un seul passage suffisamment clair. Même la vocalisation du texte est orale : si vous vous en tenez au seul texte brut, il peut se lire de plusieurs manières.

 

Vous me reprenez lorsque j'ai écrit "Je suis obligé de vous rependre lorsque vous affirmez que la loi orale « n?existe par définition pas ». Effectivement, cette loi orale n'existe pas en tant que loi, puisque vous le dites vous-même ce ne serait que des explications.....Mais ces explications, dans un sens pour les uns, dans l'autre sens pour les autres, n'ont jamais été requises par D.ieu et par Moïse, car il est écrit qu'il ne faut "pas ajouter un iota au texte de la Loi".

 

Lorsque j’emploie le mot d’explication, ce n’est pas par exclusion d’une loi orale. C’est pour dire que même si la loi orale peut s’aborder comme indépendante de l’écrite, il n’en demeure pas moins que les Sages ont fait le nécessaire pour faire en sorte que l’une s’appuie sur l’autre, dans la forme comme dans le fond. Les règles d’interprétations reçues, par exemples, permettent de retrouver dans le texte écrit une grande partie des lois.

 

L’injonction que vous citez et interdisant l’ajout ou le retrait, a, comme toute loi sérieuse, son champ d’application. Ce n’est pas  un principe général sans contours bien définis. En fait, les Sages n’ont rien rajoutés au sens où le verset l’entend. Ils ont agis là où ils ont jugés protéger la loi, selon les limites que la tradition leur impose. D’ailleurs, cette attitude est elle-même…biblique : l’interdiction de posséder du H’amets est une barrière pour ne pas en manger, l’éloignement de tout produit de la vigne, même les grains, recommandé par la bible au nazir , a pour but de l’empêcher de boire du vin, etc.

 

Finalement, le Talmud et les lois orales qui en découlent se justifient par-eux mêmes et pour eux-mêmes. Mais rien n'est justifié en tant que base de lois complémentaires à la Thora.

 

Sauf que les lois orales ne découlent pas du Talmud, elles l’on précédé, et donc elles n’ont pas à être davantage justifiées que la torah écrite. Il ne s’agit pas d’affirmer ce que l’on veut : tous les chercheurs qui se sont penchés par exemple sur la Michna en arrivent à la conclusion qu’elle ne fait que transmette ou clarifier un savoir antérieur. Les lois élaborées au cours du temps ne sont pas nées d’un coup de baguette magique. Elles sont nées selon les besoins et les enjeux du moment. Il est évident qu’Ezra le Scribe par exemple, et les Sages de la Grande Assemblée, ont donné un nouveau souffle au judaïsme. Mais strictement rien du Talmud ne se justifie par lui-même !

 

Et ce qui est alors inquiétant, c'est que la loi orale a pris une part plus importante que la Loi écrite dans la communauté. Que vous refusiez cette affirmation, soit, mais c'est bien la situation existante.

 

je ne refuse pas cette affirmation, je la cautionne tout à fait, d’ailleurs se sont les Sages eux même qui le disent : la loi écrite est quantitativement minoritaire. Pourquoi est- ce inquiétant ? Le monde n’est pas statique. Il y a des évolutions. C’est cela qu’il faut étudier, les évolutions. Mais elles sont là.

 

Et cela amène à s'intéresser à des détails obligatoires extrêmement futiles et inutiles (exemple volontairement très simple, mais réel : se poser la question de la nécessaire longueur du tissus d'une chemise) qui détournent de l'essentiel : avoir les yeux et le cœur tournés vers le Très Haut pour l'honorer.

 

Vous avez raison de souligner le caractère extrêmement détaillé des lois de la torah. Mais j’ai du mal a cerner la question : si c’est une question d’ordre général sur le souci quasi obsessionnel de la torah pour le détail et la complexité, c’est une question intéressante. Mais cela n’a strictement rien à voir avec les questions précédentes. Car douter de la légitimité d’une torah orale/talmudique est une chose. Et se plaindre de la profusion de lois en est une autre. Par exemple, même si, h’ass véchalom, le judaïsme talmudique était une création tardive non souhaitée par la Bible, cela n’enlève rien à la pertinence de la question : pourquoi les rabbins aiment couper les cheveux en 4 ? A l’inverse, si l’on admet que le Talmud est le judaïsme le plus fidèle à la Volonté du Tout Puissant, la question demeure toujours : pourquoi la torah divine aime couper les cheveux en 4 !  Bref, il serait plus raisonnable de consacrer à cette question une réponse à part.

 

En vous remerciant de votre échange.

S. Olivier

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